Utiliser l’avenir pour construire le présent
Image par Gerd Altmann de Pixabay

Utiliser l’avenir pour construire le présent

Le grand exercice de se projeter dans l’avenir et de déterminer quelles sont les tendances dans le domaine du numérique qui sont là pour rester et évoluer, est de retour. Alors, quelles sont ces avancées qui auront potentiellement un impact important sur ce que nous sommes en tant qu'humains, sur la façon dont nous allons vivre ensemble et sur la façon dont nous pouvons assurer la durabilité de notre planète? Essayons de voir clair ensemble.

L’exercice auquel je vais me prêter bien volontiers ci-après, est un combiné de mes différentes lectures, sérieuses et moins sérieuses, de mes différentes discussions, sérieuses et moins sérieuses elles aussi, et d’un peu de mes croyances personnelles bâties tout au long de ces presque 30 années d’expérience professionnelles, qui ont débutée moins de 5 ans après que Internet soit officiellement né en 1989, et plus de 5 ans avant que Google ne soit né en 1998. Je m’éduque sur l’informatique quantique alors que le bruit du modem 56K raisonne encore dans mes oreilles. Je suis, j’en suis certain, dans une position véritablement choyée.

Comment pouvons-nous utiliser l'avenir pour construire le présent ?

Je vais me baser sur le Geneva Science and Diplomacy Anticipator (GESDA), qui donne un aperçu des tendances scientifiques et des prédictions de percées à 5, 10 et 25 ans dans 37 sujets scientifiques et technologiques émergents. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est qu’il donne aussi une synthèse des débats et actions fondamentaux connexes dans la société, et une exploration des opportunités d'action concertée sur les implications pour les affaires internationales, les défis mondiaux et les objectifs de développement durable (ODD).

Mais pour commencer, je poserai ici un avertissement ou un point de réflexion qui me semble à la fois pertinent et important : les prochaines percées technologiques ne devraient pas être basées uniquement sur la technologie mais elles devraient l’être également, en tout ou en partie, sur des valeurs propres à nos sociétés démocratiques. Car à moins d’une durabilité et d’une éthique fortes imprégnés au cœur même de ces technologies, il est probablement dangereux de les développer sans regard au tissu de la société. La technologie a prospéré, mais nos démocraties, nos écosystèmes, notre stabilité climatique et la confiance, eux, se sont affaiblis. Ce qui veut donc dire que sans valeurs, la technologie n’est probablement pas une réponse.

L’avertissement est déposé, place à présent aux perspectives et prévisions, en commençant par la révolution quantique et l’intelligence artificielle avancée. Cette dernière est déjà une technologie qui change le monde, on peut penser au dernier phénomène de l’heure j’ai nommé GPT-3, mais est aussi, vous vous en doutez bien, appelée à gagner en puissance et en influence. Quant aux technologies quantiques, elles ont déjà un impact sur la détection, l'imagerie et la métrologie, et se rapprocheront de plus en plus d'applications significatives dans le monde réel, une fois les enjeux de stabilité résolus. Les thèmes que nous verrons émerger au travers de ces deux approches technologiques, sont l’informatique inspirée par le cerveau, l’informatique biologique, la réalité augmentée et enfin l’intelligence collective.

Place à présent à l’augmentation humaine dans cette boule de cristal. Les récentes avancées dans le domaine des neurosciences et de l'apprentissage automatique ont donné lieu à des innovations en matière d'amélioration de la mémoire, de la cognition et d'autres aspects de la conscience. C’est pourquoi on peut se permettre de penser que les thèmes dont nous parlerons sou peu seront liés à l’amélioration cognitive, les applications humaines du génie génétique, l’extension radicale de la santé, l’augmentation de la conscience, les organoïdes (qui sont de mini-organes aux maxi-pouvoirs) et pour finir les thérapeutiques futures.

Troisième perspective, l’éco-régénération et la géo-ingénierie. Du développement de technologies d'émissions négatives qui extraient le CO2 de l'atmosphère au développement rapide et à la mise à l'échelle de sources d'énergie renouvelables - y compris le développement de matériaux avancés et de capacités de stockage de l'énergie - la décarbonisation de la planète dispose probablement-là d'une feuille de route toute prête, si nos gouvernements souhaitent y mettre un peu de nos deniers publics. Les thèmes qui seront à coup sûr abordés seront donc la décarbonisation, la simulation du monde, les systèmes alimentaires futurs, les ressources spatiales, l’intendance des océans, la modification du rayonnement solaire et les maladies infectieuses. Et je le rappelle ici, tout ça selon le Geneva Science and Diplomacy Anticipator.

Quatrième perspective, la science et la diplomatie. Les progrès de la diplomatie scientifique visent à créer une base factuelle pour l'ensemble de plus en plus diversifié d'acteurs qui la pratiquent. L'une des questions est de savoir comment former, intégrer et habiliter ces acteurs au niveau étatique ou non, qu'il s'agisse d'entreprises mondiales, d'organisations locales ou d'organisations non gouvernementales. Les thèmes émergents dont vous entendrez parler à ce propos porteront sur la diplomatie basée sur la science, les progrès de la diplomatie scientifique, les technologies numériques lors de conflits et les technologies au service de la démocratie.

Cinquième et dernière perspective à avoir dans le collimateur, j’ai nommé les fondements de la connaissance et du savoir, qui s'appuient sur des recherches menées dans de multiples disciplines et qui ont des effets sur de nombreuses sphères humaines, sociales et environnementales. Donc, nous devrions parler de plus en plus souvent de la science des systèmes complexes, de l'avenir de l'éducation, de l'économie du futur (mon dada au passage), de la science des origines de la vie et enfin de la biologie synthétique.

À tout cela, je me permettrai d’ajouter que l’impact potentiel de ces avancées sur les inégalités et la justice sociale, est réel. Au fur et à mesure que ces technologies progressent et deviennent plus répandues, il est important de réfléchir à la façon dont elles seront distribuées et accessibles, et de s’assurer qu’elles n’exacerbent pas les inégalités existantes. Par exemple, les technologies avancées d’IA et d’amélioration cognitive, ont le potentiel de profiter grandement à ceux qui y ont accès, mais pourraient également élargir l’écart entre les nantis et les démunis. Il est important de tenir compte de ces questions et de trouver des solutions équitables, d’être attentif à ce que les propriétaires de telles technologies, ne deviennent pas un élément déclencheur de déstabilisation pour les autres dans leur domination, mais un vecteur de progrès pour organiser une coexistence équilibrée de différents niveaux, entre compréhension, usages et possession technologiques. Les décideurs politiques devraient reconnaître les conséquences de l’inégalité des richesses et prendre des mesures pour y remédier en mettant en œuvre une fiscalité progressive, en offrant plus de possibilités d’éducation, et en renforçant les programmes de protection sociale.

Le développement de notre civilisation n’est possible que par le développement d’une intelligence basée sur la capacité de travailler avec de très grands jeux de données. Cela signifie qu’en changeant les algorithmes, nous pouvons non seulement changer le chemin vers l’objectif, mais aussi changer l’objectif pour comprendre les algorithmes du chemin vers le présent. C’est ce que j’appelle utiliser l’avenir pour construire le présent.


idem 30 ans et je suis toujours aussi passionnée! :)

✅ Dominique Moraux

"On ne force pas l'intérêt, on l'éveille" Pensez à des actions d'acculturation aux nouveautés du numerique pour vos publics avant de vouloir les former à tout prix.

2 ans

Vous soulevez beaucoup de pistes intéressantes pour l'avenir, et c'est tant mieux. Mais à côté de ça, je vois surtout un web qui est aujourd'hui malade, en décadence... Le Web n'est plus qu'une arène où chacun se bat de toutes les manières possibles pour être plus visible et attractif que les autres. Les dérives du monde physique, comme la "fast fashion" aujourd'hui tellement décriée, se répètent de manière similaire dans le monde digital. On crée à bas prix, peu importe la qualité, l'impact sociétal ou environnemental (du monde digital), et l'on jette ... On a deux clans, des acteurs qui construisent des stratégies business percutantes grâce à leur vue très claire du potentiel des nouvelles technologies digitales, et tous les autres ... qui ne sont que des pions manipulés par ces modèles de business. Y aura-t-il une prise de conscience et des réactions pour revenir à un numérique responsable et durable ?

Alain Lavoie

Président chez LexRock AI

2 ans

Excellent article Stéphane! Notre planète est malade, compliquée et complexe. Ma boule de cristal ne me permet pas de voir comment obtenir cet équilibre dans l’état actuel des choses. Beaucoup de gens souhaitent comme toi une utilisation équilibrée de la technologie. Malheureusement, il y a tellement d’enjeux stratégiques relativement à ces technologies (je pense ici à l’IA et au Quantique) que cet équilibre recherché me semble une utopie.  Espérons que je me trompe!

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