L’avenir de la santé numérique sera européen
Confrontés à une période extraordinaire de notre histoire, nous nous trouvons aujourd’hui face au défi qui sans doute définira notre siècle, celui non plus seulement de la géopolitique, mais bien de la géosanté, de cette approche globale et interconnectée des enjeux sanitaires. Entre 2019 et 2025 notre production de données devrait augmenter de près de 600%, une croissance exponentielle et continue au sein de laquelle le secteur de la santé joue un rôle prépondérant, augmentant de plus d’un tiers chaque année.
La crise sanitaire que nous traversons a mis en lumière l’importance du numérique pour notre système de santé, tant auprès des professionnels du secteur que dans l’analyse de données statistiques qui permettent de grandes avancées dans la lutte contre les épidémies.
Prédire et s’adapter, l’importance de créer une base de données médicales commune
Au fil de ces derniers mois, une technologie semble l’avoir largement emporté dans le débat public, celle de l’intelligence artificielle. Porteuse de tous les espoirs devant une propagation difficilement maîtrisable du virus, elle incarne une réponse qui semble devenir nécessaire, celle de pouvoir prédire pour mieux s’adapter. Que ce soit sur l’analyse prédictive de la propagation géographique, le développement de techniques plus efficaces de dépistage ou le développement de vaccins, l’intelligence artificielle représente une avancée majeure dans le monde de la santé.
Qu’en est-il alors de son utilisation ?
Aujourd’hui, et alors que le RGPD a levé les problématiques liées à l’encadrement des données, l’obstacle majeur à l’adoption de ces nouvelles techniques s’appuie sur un constat simple, celui du manque d’informations, ou plus précisément du manque d’accès à ces informations.
Que ce soit par l’absence de numérisation systématique ou du fait du silotage de ces données par service, par spécialité ou encore par hôpital, ces informations qui existent, qui ne cessent d’être collectées et traitées, ne peuvent être correctement utilisées par tous. Pour ce faire le secteur de la santé, comme tous les autres secteurs confrontés à la transformation numérique, doit pouvoir s’appuyer, se construire sur une réelle infrastructure de données.
Durant la crise, nos équipes ont particulièrement travaillé avec les principaux centres médicaux français, à l’image de nos collaborations avec le CH Béziers et l’IHU Méditerranée Infection, afin de construire ces infrastructures de données et permettre l’utilisation et l’échange entre services et hôpitaux.
En pratique de telles infrastructures s’avèreront demain déterminantes dans le développement de nouveaux protocoles de soin : dans le cas de crise actuelle, la capacité à détecter et traiter rapidement les symptômes a montré son importance cruciale dans l’équilibre et la résilience de l’écosystème hospitalier. A travers des initiatives comme notre travail avec l’AP-HP ou les résultats obtenus par BenevolentAI, nous avons pu voir comment une approche systématique et ouverte de la donnée médicale pouvait créer de nouvelles solutions dans la lutte contre les épidémies.
Mais l’enjeu majeur de ces technologies, que l’on retrouve à toutes les étapes du parcours de soin, du diagnostic jusqu’à la convalescence, reste avant tout d’accompagner et faciliter le quotidien et l’expérience des patients comme des soignants.
Rationaliser et faciliter, les soins et les soignants de demain
De la recherche fondamentale jusqu’au quotidien des patients atteints de maladies chroniques en passant par le fonctionnement des services de soins, l’utilisation, et la disponibilité de la donnée médicale a profondément transformé l’approche de la santé.
Pour les individus souffrant de maladies chroniques comme le diabète, le développement de dispositifs de santé connectés, ici les dispositifs de mesure de glucose en continu, offre une amélioration majeure de la qualité de vie et de soin et permet de collecter, pour le patient comme pour la recherche de nouvelles solutions médicales, des informations cruciales pour individualiser l’arsenal thérapeutique en offrant une information continue.
Cette augmentation exponentielle des données de santé, cette capacité à suivre plus précisément les spécificités de chaque patient, est essentielle dans le développement d’un parcours de soin individualisé. Dans le cas par exemple de la lutte contre le cancer, dont le nombre de cas devrait augmenter de 60% d’ici 2040 selon l’OMS, l’accès aux données de patients permet de former des programmes d’IA permettant non seulement une meilleure compréhension des formes spécifiques de chaque pathologie, mais d’identifier et traiter plus rapidement la maladie, facteur crucial de survivabilité, comme dans le cas du cancer du sein.
Cependant cette transformation, et les efforts majeurs fournis en ce sens par les acteurs publics et l’ensemble de l’écosystème de santé français, ne peuvent se faire en vase clos.
C’est à travers l’Europe que nous pourrons aller plus loin et réellement proposer au monde la santé de demain.
Une santé européenne, numérique et souveraine
Cette approche innovante ne peut se construire que dans un environnement de confiance.
Toutes ces avancées s’appuient sur un protocole permettant d’un côté de bénéficier de tous les apports propres au Big Data dans le secteur médical, tout en assurant un degré particulièrement drastique de sécurité quant à la protection des informations personnelles des patients. En ce sens, l’adoption du RGPD marque la première étape du développement d’une Europe numérique soucieuse et consciente de l’importance de la protection des données personnelles, mais aussi consciente de la valeur que peut représenter, notamment pour la recherche, la mise en commun de celles étant anonymisées.
Si la France grâce au travail de la CNIL et la collaboration étroite des entreprises, dont Orange, avec le Ministère des Solidarités et de la Santé et particulièrement la mise en place du Health Data Hub fait preuve d’une politique extrêmement volontaire et réfléchie en la matière, l’approche numérique de la santé se doit d’être collective. A l’image du récent plan Horizon Europe qui fait de la mise en commun des ressources européennes contre le cancer un pilier de sa stratégie, et de l’augmentation substantielle des ressources allouées au nouveau programme EU4Health 2021-2027, l’Europe de la Santé est en train de devenir une priorité non seulement pour lutter contre les risques sanitaires, mais bien une partie intégrante du modèle européen.
Comme l’indiquait Ursula Van der Leyen sur la question du vaccin à la Covid-19 dans son discours du 16 septembre dernier au Parlement Européen, c’est en construisant une Europe numérique de la Santé, bénéficiant des données et expertises de tous les écosystèmes de soins de chaque pays que nous pourrons réellement tirer pleinement profit de ce que la technologie a à nous offrir.
A l’image de l’Organisation Mondiale de la Santé qui a choisi en octobre dernier de montrer l’exemple en faisant appel à l’expertise développée par l’Estonie dans le cadre de la numérisation des données patients pour construire un certificat international de vaccination numérique, je rejoins pleinement Ursula van der Leyen dans cette démarche car j’en suis certain : l’avenir de la santé sera numérique et européen.